L’onchocercose a désorganisé la vie de nombreux paysans devenus aveugles au Burkina Faso. Dans la commune de Garango, ces handicapés visuels continuent leur travail agricole grâce à l’appui technique du Centre de Formation et aux dons d’outils agricoles adaptés à leur état physique. Leur travail agricole est, toutefois, concurrencé par leur activité de mendicité.
Cet article s’appuie sur une enquête faite en deux phases : d’abord en 2000 à Zidré et Lengha, auprès de 52 ménages par questionnaire et de 26 par guide d’entretien semi-directif et grille d’observation ; Ensuite en 2016 auprès de 15 d’aveugles mendiants, originaires des deux localités, installés dans la capitale Ouagadougou. Il analyse le devenir de certains aveugles pratiquants la mendicité. Dans une perspective d’analyse socio-historique, l’article souligne qu’au fil du temps, les aveugles ont été dépossédés des champs de brousse, principaux germoirs de petit mil. Il ne leur reste que les champs de case pour une culture du sorgho blanc. Sous le poids de l’âge et suite à l’exode de leurs enfants, les paysans aveugles ont, d’année en année, perdu la main d’œuvre agricole et, ont, en conséquence, vu les quantités de leurs récoltes se réduire drastiquement. Leur capital agricole a été insuffisant par rapport à la taille de leur famille. Alors, la mendicité rurale, semi-urbaine et urbaine a, successivement, été pratiquée par les aveugles, sous le guidage de femmes et de fille, en vue de combler le manque céréalier. Souvent rejetés et expropriés, parce que vus comme des « bons à rien » ou individus encombrants pour certains voyants, les aveugles sont aussi considérés comme des êtres exceptionnels pour d’autres. Ceux-ci les perçoivent comme des personnages sacrés, ayant le droit à la manche divine au village et en ville pour conjurer, en retour, les sorts maléfiques ou bonifier les affaires économiques et sociales. Ainsi, en ville, les chances d’empiler les offrandes rituelles et caritatives sont réelles pour les aveugles mendiants en interactions magico-religieuses avec les voyants. Si l’argent de la mendicité est utilisé dans les dépenses familiales et investi dans l’achat d’outils agricoles, l’élevage et le jardinage, les gains en céréales nourrissent les familles installées en ville et sont transférés aux enfants, restés au village pour servir de semences. En revanche, la mendicité urbaine entre en concurrence avec le travail agricole des aveugles et est attractive pour les personnes précarisées à cause de l’exode rural lié à la crise sécuritaire et à l’insécurité multidimensionnelle.

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